mardi 6 novembre 2007

Errance et déchéance


Ces derniers temps, on me reproche mon absence sur ces pages.
On a sans doute raison, mais "tout ne fut pas si facile".

Depuis 15 jours, je suis tel un personnage de la Recherche du Temps Perdu qui n’aurait pas connu « le temps retrouvé ». J’ai intégré la race des héros négatifs, d’athlètes du rien, poursuivant inlassablement mon voyage au bout de la nuit et de l’ennui, l’ennui ce mal du siècle.

Au début, sous héroïne, il me semblait pourtant que tout ce que je faisais avec ma troupe de filles et de garçons, était innocent et plein d’amour.
Comme ce soir là où Henri a cassé les pattes avant de cette charmante chèvre afin de mieux la sodomiser, elle, immobile, son cul en l’air pour toujours.
Durant ces jours, j’avais en général de la cocaïne sur mes tee-shirts quand je sortais des toilettes. Je l’époussetais (négligemment ?) pour la faire tomber sur les sols carrelés, humides et poisseux d’urine.
Un trait par-ci, un rail par-là, des poutres de coke partout, nous tracions notre bonheur à coups d'American Express.
Mais, lentement, l’angoisse, insidieuse, m’a perforé le cerveau, la peur de manquer me terrifiait. Comme ce jour, lundi ou mardi dernier, je crois, lorsque mon dealer fut abattu à coups de cric sur les Champs-Élysées, je me suis enfermé dans mon appart, persuadé que le pommeau de douche, tel le boa constrictor, tentait de m’étrangler. Heureusement, Eléonore, m’a ramené à la vie avec une pipe et une mega ligne de poudre blanche.
Alors mon seul objectif fut de trouver, de prendre et d’abuser de la drogue. Comme j’avais un peu de mal à me déplacer, j’ai loué chez Avis une chaise roulante pilotée par une hôtesse de l’air. La vie, un court instant est devenue plus facile. D’autant qu’une vieille copine m’assurait qu’il suffisait d’une semaine pour décrocher de toutes ces dopes.
En attendant ce moment, enfin mobile, je pouvais aller d’afters en afters où les seules boissons chaudes étaient la vodka oubliée sur la terrasse d''Anastasia.
Dans le 94, nous avons descendu 23 51.
Dans le 75, Christina s’est taillée les narines avec le cutter de Paul pour les agrandir afin d’y introduire des pailles plus grosses et ainsi engloutir à chaque snif l’équivalent d’1 G.
Manger était facile : on se ruait dans des Mac Do, on s’empiffrait de Big, de Cheese, de Nuggets… qu’on gerbait aussitôt sur le trottoir.
Un soir, non un matin, enfin à un moment, dans l’appart de l’inconnu croisé à Barbès, Brett se faisait lécher par un alligator dans la baignoire tandis que Nathanaël versait de la tequila sur les blessures que lui infligeait l’animal.
Les sachets plastiques s’envolaient, les lignes s’effaçaient, nos rires décuplaient.
Bien sûr mon téléphone sonnait, mais plus rien n’avait d’importance, seuls les speedballs, la cocaïne et les buvards Daffy Duck avaient un sens pour moi.
C’étaient les seuls trucs qui me faisaient vraiment ressentir quelque chose. Sans oublier les deux ou trois bisexuels qui m’accompagnaient, portant des serviettes en papier afin de m’éponger le front.
J’errai de bars en bars, de clubs en clubs, de soirées en soirées, de caniveaux en caniveaux.
La nuit était blanche, mes narines étaient blanches, mon avenir était sombre.
La cocaïne me détruisait la paroi nasale, et j’ai sérieusement pensé que la seule solution serait de ne faire que du free base mais avec deux litres de vodka par jour, cela me paraissait un but un peu flou et hors d’atteinte.
L’argent, plus précisément son absence est vite devenu un problème alors j’ai commencé à traîner avec des partouzeurs et des vendeurs d’armes.
Ma chambre puait l’herbe et l’ammoniaque.
J’ai compris qu’il était temps de limiter les dégâts, de faire une pause, de ranger les billets de 50 roulés en paille, je devais exiger un peu plus de moi-même.
Et surtout j’ai compris que personne d’autre que moi ne voulait de moi.
La ville s’effondrait, le noir recouvrait la terre, les moments de peur étaient si intenses que nous enviions les morts.
Nous avions perdu notre capacité d’aimer.
Quand un matin, en s’extirpant d’une pissotière, avec mes amis, nous avons pleuré. Et ces larmes qui roulaient ont tout effacé ; nous avons compris, soulagés, qu’un autre avenir était possible.

Crois moi, lecteur, en dépit de l’horreur que semble revêtir les événements décrits dans ce billet d’excuse, tout a réellement eu lieu, chaque mot est vrai. La preuve, c’est mon esprit qui les a enfantés.

Voilà pourquoi, j’ai dû renoncer à écrire pour quelque temps.

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