jeudi 26 février 2009

Le poids des mots

Feuilletant Libération aujourd'hui, je constate avec regret, lassitude et exaspération, que nos dirigeants ou ceux qui possèdent une plus ou moins grande notoriété racontent n'importe quoi. Ce n’est pas nouveau, certes, mais cela va en s’empirant.


Il y en a qui mentent par légèreté : c'est Ségolène Royal qui affirme sur France-Info "que depuis que Nicolas Sarkozy est élu, les ministres ont vu leur salaire augmenter de 150 %". Cela montre à quelle point elle ne croit ni à sa parole, ni à ses responsabilités sinon elle ne dirait pas de telles aberrations entre deux séjours à Marbella.
D'autres mentent par calcul : Nicolas Sarkozy, bien sûr, qui affirme que le Comité de déontologie lui a donné son accord pour la nomination de François Pérol au poste de Président du Directoire des Caisses d'Epargne alors que cette instance n'a jamais été officiellement saisie du problème.
D'autres encore par habitude ou par fanfaronnade : c'est l'inénarrable Nadine Morano qui dresse un bilan élogieux de la loi TEPA qui aurait permis aux salariés français d'accomplir 750 millions d'heures supplémentaires de plus comparé à l’année 2007 alors qu'en réalité l'évolution est quasi nulle.
Et je pourrais poursuivre cette longue litanie encore et encore (avec mention spéciale pour Frédéric Lefebvre).
Ces exemples montrent que nous sommes aujourd’hui dans une situation délétère où les mots n'ont plus ni de réalité ni de sens.
On dit quelque chose et ça n'a aucune d'importance.

Et face à cette évolution, la presse (papier) est aux abonnés absents.
Ainsi, le Nouvel Observateur de cette semaine nous propose une enquête sur "Les Couples d'Ambition". 
Mais en voyant la couverture, il n'y a guère de doute à avoir sur le sujet dont va réellement nous entretenir le magazine à savoir les people. Mais avec ce vieux fond pudibond du journal-de-gauche-bien-pensant qui a encore besoin de se trouver des alibis pour faire du people (il ne faudrait pas qu’on les confonde avec Voici ou Gala !). Donc, plutôt que de titrer sur les "couples célèbres", le Nouvel Obs nous parle de couples d’ambition. Ambition, ça fait sérieux, ça fait : "nous, on analyse, on cherche à comprendre, on décortique la réalité pour nos chers lecteur". On a même le droit au palmarès des couples célèbres !

Or justement, avec l'essor grandissant d'Internet comme média d'information, devant la multiplicité de ces sites plus ou moins sérieux, des blogs plus ou moins bien inspirés qui mélangent allègrement vraies et fausses infos, rumeurs et faits avérés... l'une des missions du journaliste/médiateur serait de nous aider, nous lecteur-citoyen à faire le tri.
Mais je crains qu’Arlette Chabot, Claire Chazal, David Pujadas et tous les autres ne soient pas à la hauteur.
Aux Etats-Unis, The Office of the Director of National Intelligence a récemment rendu public un rapport consacré à l'état de la presse en France. Rien de confidentiel dans ce document qui se contente de dresser un panorama de la presse écrite, des chaînes audiovisuelles et de la blogosphère françaises. On méditera ce propos tiré de la préface de ce Media Guide France 2008 : "parmi les quelque 37 000 journalistes français, nombreux sont ceux qui se considèrent comme des intellectuels plutôt que comme des reporters. Au lieu de simplement rapporter des faits, ils essaient souvent d'influencer les lecteurs à travers leur propre parti pris. En même temps, de nombreux journalistes politiques et économiques ont reçu une éducation élitiste et fréquenté les mêmes établissements universitaires que les hommes politiques dont ils couvrent l'actualité... Par conséquent, ces reporters n'ont guère tendance à considérer leur rôle comme celui d'un chien de garde ou d'un contrepoids aux pouvoirs politique et économique en place".

mardi 24 février 2009

Courrier des lecteurs

Suite au billet d’hier, nous avons reçu j’ai reçu (en ces temps de crise soyons modeste) le courrier suivant :

Monsieur,
La lecture de votre message, hier, m’a ébranlé car je me suis parfaitement reconnu dans le désarroi de ces dirigeants d’entreprises que vous décrivez : votre éclairage sur nos problèmes financiers, votre inquiétude concernant notre situation économique est pertinente : notre avenir est sombre, incertain.
Pourtant, jusqu’à l’automne dernier, nous étions heureux, confiants.
Je ne connais évidemment aucun hard-discounter. D’ailleurs, pourquoi pousserais-je un chariot de supermarché ? Mon employée de maison, une jeune maman ravie d’avoir trouvé du travail, se fait livrer les courses à domicile (c'est à dire chez moi). C’est tellement pratique.
Elle, peut-être, s’y rend après son travail mais je n’en sais rien. Il faudra que je pense à lui en parler.
Je ne fais jamais la queue nulle part (sauf peut-être à Gstaad pour prendre le télésiège).
A ma descente d’avion, je vais le plus souvent dans le salon VIP. Je n’ai rien demandé, c’est organisé par ma Société (je suis directeur général d’une grande banque française).
Le nombre de chômeur qui augmente ? Oui, peut-être. Mais ni moi, ni mes enfants n’avons jamais envoyé le moindre CV ; par chance nous avons suffisamment de relations et nous savons les entretenir.
Je n’ai jamais eu à faire le contrôle technique d’une vieille voiture, il suffit de la changer bien avant qu’elle n’ait quatre ans. Si, une fois, il s’en est fallu de peu que la vieille Ferrari de notre fils ne se fasse recaler (sic !). Un comble pour un jouet qu’on laisse sur l’île !
Notre santé est éclatante, chez nous on vit au moins jusqu’à 90 ans, normal on mange sain, uniquement des produits de qualité (nous consommons bio depuis des années, c’est important pour la protection de l’environnement), c’est un peu plus cher certes, mais c’est un choix responsable, un choix citoyen.
Nous n'avons pas de problèmes de voisinage : d'abord nos voisins ne sont pas bruyants, ensuite il faut reconnaitre qu’ils sont un peu loin, aussi bien ici en ville, (nous habitons dans le 7ème) que dans notre campagne tourangeaine.
Pour les études des enfants ou leurs stages en entreprise loin de chez nous, pas de problème de recherche de studio, d’attente interminable, de dossiers, de caution ou que sais-je : soit c’est l’Ecole qui les loge, soit on a bonne-maman ou des cousins à Lyon, Bordeaux, Toulouse, Londres, Sidney, Rio, aux States… même à Limoges et Besançon, s’il le fallait (il ne manque que Marseille, mais qui voudrait aller vivre à Marseille !). Et j’en oublie certainement. Un peu partout finalement, il suffit de s’organiser.
Nos comptes en banque sont bien alimentés ; normal notre éducation nous a toujours évité de dépenser n’importe comment. Pour le chèque de remboursement reçu du Trésor Public l’été dernier (cette loi TEPA, enfin une décision sensée votée par les parlementaires), j’avoue que nous avons longuement hésité. On en a parlé avec l’abbé Jean (notre directeur de conscience) et nous avons décidé d’investir dans la pierre (un beau studio à Paris ou un quatre pièces en province). Avec l’abbé Jean on réfléchit bien, on rigole aussi : dans notre paroisse (où l’on suit le rite tridentin) on le surnomme notre divin coach.
Convenons que sans être privilégiés, nous sommes un peu l’élite. Mais de gauche. Sauf exception. Plutôt Kouchner et DSK que Ségolène Royal, Martine Aubry ou Benoit Hamon. Un que je ne supporte pas c’est Delanoë, je ne sais pas pourquoi.
Nos enfants, comme souvent dans l’excès, souhaiteraient une union entre Rama Yade et Olivier Besancenot. C’est amusant, il faut que jeunesse se passe.
Bref, puisque nous sommes au fait des réalités de nos contemporains, il est bon qu’un pays comme le nôtre s’appuie sur nos compétences et que nous puissions décider de ce qui convient pour le peuple qui souffre (mais quels moyens se donne-t-il pour en sortir?) et pour les classes moyennes qui, nous dit-on, s’enfoncent, fonctionnaires exceptés (comme toujours).
Sincèrement, nous avons quand même un peu plus de recul et donc de vision d’avenir que ces pauvres gens. Alors qu’ils nous laissent faire !
D’où mon trouble : voici qu’ils descendent dans la rue, qu’ils manifestent, qu’ils réclament une hausse du pouvoir d’achat (mais avec quel argent ?). Ils sont totalement déconnecté de la réalité. Et je crains que le gouvernement, berné par quelques chiffres manipulés par les sociologues et autres économistes ne cède (cela a déjà commencé avec nos primes qui vont être annulées).
Mais si, par leur faute et à cause de mesures démagogiques cette crise perdure, que dois-je faire pour tenter de m’adapter ? Vais-je finir par devoir me connecter sur le site internet de Lidl ?
Veuillez agréer, Monsieur l’expression de mes courtoises salutations.

Pierre Dufermoir de Monsac


Effectivement cher lecteur il faut réagir dès à présent.
Peut-être, pour commencer, pourriez-vous licencier votre bonne (pour faute grave afin d’éviter de payer des indemnités) et la remplacer par un travailleur en situation irrégulière, ils coutent moins chers.
Cordialement.

lundi 23 février 2009

Crise économique : les carottes sont cuites


Ce week-end, dans l'avion qui me conduisait à Megève afin de passer quelques jours de repos à la montagne, je lisais Les Echos (je m'ennuyais et j'avais fini Voici le Wall Street Journal) quand soudain j'ai ressenti un terrible coup de blues.
Là, à 10 000 km d'altitude, ma flute de champagne à la main, confortablement installé dans la cabine pressurisée, j'ai enfin compris que cela va mal, cela va même très mal : la situation économique est tragique, pire que ce qu'on pouvait imaginer !

Cette cruelle révélation m'est venue en lisant une publicité en dernière page du quotidien économique.
Il s'agissait d'une réclame annonce pour un hard-discounter (Lidl je crois).

Petite précision pour pour certains de mes lecteurs/lectrices qui ne fréquentent que Fauchon, La Grande Epicerie du Bon Marché ou Hédiard pour les plus modestes : un hard-discounter n'est pas un magasin qui vend des dvd pornos soldés. Non non. C'est une chaîne de magasins d'alimentation à bas prix où les prestations sont limitées au maximum : il n'y a pas de décorations bling bling, peu de vendeurs, personne pour porter vos sacs, les produits sont encore dans les cartons, les caddies ne sont pas plaqué or... ceci afin de diminuer les prix de revient.

Donc, la publicité affirmait que cette chaîne de magasins pratiquait les prix les moins chers de France "sur une liste de produits du quotidien" que l'on peut consulter sur le site internet du hard-discounter (attention, toujours rien de sexuel là-dedans).

Bien sûr, à peine arrivé dans mon chalet, tandis que mon majordome défaisait mes malles, je suis allé sur le site pour voir quels étaient ces fameux produits proposés à un prix défiant toute concurrence...
Ce fut un terrible choc. Il s'agissait d'oignons, de carottes, de pommes de terre et de sauté de veau à moins de 1,50€ la portion individuelle.
C'est réellement dans ces instants (oh vie cruelle !) que l'on prend conscience de la réalité de la crise économique (bien plus qu'avec ces chiffres abstraits du nombre de chômeurs).
En effet, les lecteurs habituels des Echos sont en général des cadres sup-supérieurs, des dirigeants d'entreprises, des directeurs généraux, bref, des individus avec attaché-case Louis Vuitton, Loden en cachemire et Mercedes avec chauffeur.
Alors penser que ces personnes en sont à chercher les carottes les moins chères et qu'elles rêvent de sauté de veau à moins de 2€, quelle horreur !!!!
Il est clair à présent que Laurence Parisot a raison : le patronat français est à la rue et dorénavant lorsque vous croisez un cadre sup, soyez généreux et offrez lui des légumes sinon il risque de se délocaliser.
Et si vous avez encore quelques biens, proposez-lui un pot au feu.

dimanche 8 février 2009

Mona Lisa sourit



Ce week-end fut hallucinant : j'ai fait la connaissance d'un ou d'une, je ne sais trop, ami(e) qui m'a fait voyager sur d'autres planètes (nous en reparlerons...).
A présent apaisé et en pleine "flottitude" j'admire La Joconde en écoutant Daniel Arasse.
Voici l'extrait sur le fameux et fascinant sourire :

" Et puis ce sourire, le fameux sourire.
C’est Léonard qui a inventé l’idée de faire un portrait avec un sourire. Il n’y a pas de portrait souriant avant La Joconde.
Alors pourquoi ce choix, pourquoi peindre un sourire ?
La Joconde sourit car son mari Francesco del Giocondo a commandé son portrait au plus grand peintre de son époque pour la remercier car elle lui a donné deux beaux enfants. Donc c’est un tableau de bonheur où une jeune femme de 22 - 23 ans est honorée par l’amour de son époux à travers ce portrait.
C’est l’explication anecdotique, historique.

Mais ce n’est pas cela qui fait que le sourire est fascinant.
La raison en est plus profonde. Ce sourire est ce qui lie la figure au paysage de l’arrière-plan. Ce paysage est d’ailleurs étrange puisqu'il est composé uniquement de rochers, de terre et d'eau. Il n'y a pas une seule construction humaine, pas un arbre. Il y a seulement dans ce paysage quasiment pré-humain un pont qui enjambe ce qui doit être une rivière, mais qu'on ne distingue pas.
Ce paysage est donc incohérent ; dans la partie droite pour le spectateur il y a des montagnes très hautes et en haut il y a un lac plat, comme un miroir qui donne une ligne d'horizon très élevée.
De l'autre coté, dans la partie gauche, au contraire, le paysage est beaucoup plus bas et il n'a aucun moyen de concevoir le passage.
Il y a un hiatus.
En fait, ce hiatus est recouvert, caché, transformé par la figure elle-même et plus précisément par le sourire de La Joconde. Sa bouche se relève très légèrement du coté où le paysage est le plus haut et donc la transition impossible entre les deux paysages se fait dans la figure par le sourire de la figure.
Il faut alors se rappeler que Léonard de Vinci était un grand admirateur des Métamorphoses d'Ovide, ouvrage dans lequel il développe le thème classique que la beauté est éphémère.
Et c'est ce même thème que le peintre traite ici mais avec une densité cosmologique extraordinaire.

La Joconde c'est la grâce, ce n’est pas seulement la beauté, c'est la grâce et plus précisément c'est la grâce d'un sourire. Mais un sourire c'est éphémère, cela ne dure qu'un instant. Et ce sourire, c’est alors le sourire de la grâce qui fait l’union du chaos du paysage qui est derrière : du chaos on passe à la grâce et de la grâce on repasse au chaos.
Il s'agit donc d'une méditation sur une double temporalité, et nous sommes là au cœur du problème du portrait, puisque le portrait est inévitablement une méditation sur le temps qui passe. Montaigne le dit dans ses Essais : "J'ai plusieurs portraits de moi, combien suis-je différent aujourd'hui d'à cette heure."
On passe donc, avec ce sourire éphémère de La Joconde, du temps immémorial du chaos au temps fugitif et présent de la grâce, mais on reviendra à ce temps sans fin du chaos et de l’absence de forme.

Reste cette interrogation sur la présence du pont : c'est simplement le symbole du temps qui passe ; s'il y a pont, il y a une rivière, qui est le symbole banal par excellence du temps qui passe. C'est un indice donné au spectateur que l’étrangeté du rapport entre ce paysage chaotique et cette grâce souriante est le temps qui passe.

La Joconde condense, une méditation sur le portrait et le temps qui est fondamentale pour l'art du portrait occidental, et en même temps c'est certainement l'un des tableaux les plus personnels de Léonard, parce qu'il a peint pour lui le portrait de la femme fertile, l’épouse de Francesco del Giocondo. "


Le Louvre vous propose de regarder La Joconde à la loupe.

lundi 2 février 2009

After, Friends, Forever

A friend in needs a friend indeed,
A friend who'll tease is better,
Our thoughts compressed,
Which makes us blessed,
And makes for stormy weather,

Day's dawning, skins crawling
Pure morning





Avec la participation exceptionnelle de Bertrand le élan et du carnet IPSOS !