mercredi 21 novembre 2007

Avis de recherche


Depuis une semaine, dans les rues de Paris, on marche, on pédale, on proteste mais curieusement mon oreille gauche n’entend rien.
Il règne un silence assourdissant que ni les retraites, ni les franchises médicales, ni les propositions de la Commission ultra-libérale dirigée par Attali, ni les déductions fiscales … ne viennent rompre.
A gauche tout est tristement atone.

La LCR ? La dernière fois qu’Olivier Besancenot a été aperçu, il paradait sur Canal +, à coté de Lambert Wilson dans l’émission de Thierry Ardisson pour présenter/vendre son bouquin sur Che Guevara, pensant sans doute faire œuvre révolutionnaire. Sa soif d’exister le disqualifie d’entrée.
Lutte ouvrière ? Ils sont bien trop occupés dans leurs roulottes au fond des bois à se trouver des surnoms de guerre pour s’intéresser à notre quotidien.
Le Parti Communiste ? On ne va pas encore tirer sur le corbillard l'ambulance.

Et le Parti Socialiste ?
Pourquoi ne dit-il rien alors que la droite lui ouvre des boulevards de contestations ?
A quel moment les dirigeants du PS vont-ils enfin arrêter de se regarder le nombril, d’analyser leurs sautes d’humeurs ou d’écrire des livres pour dénoncer leurs camarades ?

Certes les parutions de cet automne donnent une réjouissante liste d’ouvrages aux titres ravageurs : Table rase, comment sauver la Gauche – La Gauche la plus bête du Monde – Gauche, le Big Bang – l’Impasse – Le Grand Cadavre à la Renverse – La Défaite en chantant – Règlements de Comptes – Rénover le Parti Socialiste, un Défi impossible ? …

Cette longue litanie est révélatrice du malaise, de l’impossibilité pour le PS de répondre aux grandes questions nécessaires à son renouveau, à repenser à sa place, son rôle dans notre société.

Et voilà comment trois défaites aux présidentielles, plus des difficultés évidentes à regagner le pouvoir, à être majoritaire dans ce pays, donnent ces nombreux ouvrages qui soulignent les doutes, les interrogations, les règlements de compte mais hélas sans aucune solution pour sortir de cette impasse.
D’où ce constat amer mais évident : actuellement il y a un vide de la pensée à gauche.
Depuis la chute de l’idéologie communiste, la fin des horreurs qu’elle a engendrée, la révélation pour certains de son échec complet, absolu, définitif, on a le sentiment qu’il y a eu un abandon de la volonté de bâtir une nouvelle doctrine par peur d’enfanter un autre monstre.
Une doctrine ? Une vision du monde, de la société, un système cohérent de valeurs, un ensemble d’orientations qui puissent guider l’action à moyen terme.

Depuis 1981, c’est-à-dire depuis que le PS a gagné simultanément le pouvoir exécutif et législatif, ce parti est entré dans une idéologie, dans une culture ministérielle qui lui impose un système de pensée : chaque dirigeant socialiste est à présent un ministre en devenir. Ainsi, il ne raisonne plus que dans des cadres fermés, étroits, conventionnels avec un œil rivé sur les courbes des sondages.

A l’opposé, la droite s’est décomplexée elle assume à présent sa rénovation idéologique. Sarkozy, n’a pas gagné l’élection présidentielle sur des propositions concrètes, mais parce qu’il a donné une représentation de la société et une vision du chemin qu’il voulait emprunter pour y parvenir.
Or, c’est justement cette capacité à donner du sens à l’action que les gens ne retrouvent pas à gauche et plus particulièrement au PS.

Plus de vision d’avenir, plus de projet, simplement des querelles de personnes, des pinaillages sur des détails, pièges évidents que lui tend le gouvernement et dans lesquels il s’engouffre sans réfléchir, tête baissée. Par exemple, lors de la énième loi sur l’immigration, le PS (à juste titre) a protesté contre l’amendement Mariani mais pourquoi n’a-t-il pas dénoncé cette loi dans son ensemble, pourquoi n’a-t-il rien dit des principes scandaleux qu’elle instaure par ailleurs. Non, la droite, avec les tests ADN, lui a donné un os a rongé, le parti socialiste s’est jeté dessus comme prévu et il a laissé passer tout le reste.

Pourtant il est urgent d’affirmer certaines valeurs pour que ce parti puisse se libérer des carcans qui oppressent sa réflexion. Par exemple, les socialistes ont majoritairement accepté un compromis général avec l’économie de marché, mais certains le vivent encore honteusement comme une trahison identitaire, d’où des rechutes à intervalles réguliers avec des propositions démagogiques, aberrantes, des combats rhétoriques sans intérêts qui perturbent ou ennuient l’électeur lambda. (cf. Fabius, Emmanuelli). Pour reprendre la terminologie de Laurent Baumel, c’est le drame du « surmoi-marxiste ».
Ce combat d’arrière-garde pour savoir qui sera le plus à gauche empêche d’avancer de regarder la société française contemporaine. Ainsi on ne dit rien sur les véritables enjeux que sont effectivement les réformes des retraites, la protection sociale ou plus simplement quel regard porter sur l’homoparentalité, la dépénalisation des drogues … (quelqu’un dans la salle connaît-il les projets du PS sur ces thèmes ? ).

Pire, on ne réfléchit plus, tous les efforts intellectuels (? ) sont tournés vers un seul objectif : « l’obsession présidentielle ».
Depuis François Mitterrand, les dirigeants du PS ont le sentiment qu’être Président de la République confère une essence supérieure, une aura divine. Ce qui conduit à l’inévitable question du leadership, entraînant des batailles de personnes et non plus d’idées. C’est une guerre de succession perpétuelle entre ego surdimensionnés. Et le développement de toute idéologie cohérente devient subordonné aux affrontements des personnes. Tout est tactique. Les prises de positions ne sont plus proposées pour elles-mêmes, mais parce qu’elles permettent de faire avancer sa personne (ou d’en faire reculer d’autres) dans la bataille pour la première place.
L’une des conséquences majeures est que ce parti devient un parti de barons, repliés sur le local, sur quelques mairies et autres Présidences de Conseils régionaux ou généraux. C’est le pouvoir pour le pouvoir.
En outre, puisqu’on baisse les bras, puisqu’on imagine qu’il n’est plus possible de transformer la société dans son ensemble, alors chacun, dans son coin, essaye modestement de transformer la société au quotidien, sur un plan local, à coup de Vélib’, de Paris Plage et de couloirs de bus, plutôt que de s’épuiser dans des joutes doctrinales qui dessineraient enfin un « avenir de gauche ».

Aujourd’hui, la gauche n’a plus de valeurs, plus d’orientations à moyen ou long terme. Elle ne pose aucun jalon pour mieux appréhender une conjoncture qui par définition varie. Nous avons affaire à un parti girouette qui change ses orientations à chaque coup de vent.
Le PS ne rebondit pas, il n’invente pas, il suit, il encaisse sans réagir.

Et grâce à cette absence complète de réactions de la part de l’opposition, le Chef de l’Etat a tout le temps, alors que la France se débat dans un conflit social majeur, de se mobiliser pour organiser les successions à la tête du Figaro et des Echos.

Et ceci est impardonnable.

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