mardi 25 mars 2008

Tout ne doit pas être gay

La nomination de Nadine Morano au poste de Secrétaire d’Etat chargée de la famille a été saluée favorablement par quelques sites Internet ou blogs traitant de l’homosexualité. Simplement car cette personne n'est pas opposée au mariage gay ou à l'adoption par des couples homosexuels.

Mon propos n’est pas ici de flinguer cette nouvelle Secrétaire d’Etat à la personnalité aussi vulgaire qu’une marchande de poisson et avant tout spécialiste des propos outranciers. Pour des exemples plus précis, je vous recommande d’aller , ou ici ou encore .

Ce qui m’intéresse (ou plutôt ce qui m’inquiète), c’est ce regard de Chimène porté par certains leaders homosexuels sur cette nomination, un énième exemple de la déliquescence de la culture gay, de la volonté de standardisation/intégration de ce groupe social par l’effacement de son originalité, de ses richesses.

Ainsi, après avoir acquis de haute lutte le droit à la différence et à l’existence, les revendications homosexuelles exigent désormais le droit à la ressemblance au couple hétéro dans ce qu’il a de moins fantaisiste, c’est-à-dire de moins gay possible : le conformisme bourgeois dans un appartement cossu au centre de Paris avec la chaîne hi-fi Bang&Olufsen diffusant un air d’opéra tandis que les enfants jouent à Ken et Barbie dans leur chambre.

Paradoxalement, depuis une vingtaine d’années, le mariage – civil et religieux – connaît une crise sérieuse. En région parisienne, environ un couple hétérosexuel sur deux divorce après 3 ans de mariage. La famille monoparentale ou recomposée devient la norme et ringardise chaque jour un peu plus le vieux modèle du papa/maman (la bonne et moi).
Et c’est justement le moment que choisissent les associations LGBT pour revendiquer un droit au mariage !
Pas question, bien sûr, d’aménager le PACS dans ses modalités patrimoniales et successorales, comme le réclament certains « homodérés ».
Non, ils veulent à tout prix passer devant Monsieur ou Madame le Maire, se mettre la bague au doigt, s’embrasser sous les applaudissements émus et devant le caméscope de l’oncle Robert, klaxonner dans des limousines décorées de tulle blanc, signer un contrat de mariage, se jurer fidélité…

N’est-ce pas là une inversion complète de cette fameuse « gay attitude » apparue à Paris dans les années 70/80, faite de fun et de provocations ironiques face à la dictature de la normalité ?

C’est comme si les intellectuels (peu nombreux) ou les meneurs pseudo-charismatiques (plus souvent) de la gay attitude, privés de leur principale revendication (être reconnu comme homo, avoir le droit d’exister dans la cité), n’avaient d’autre choix pour préserver leur droit à la parole, leur influence, leur exposition médiatique que d’exiger le contraire !
Fini l’hédonisme désinvolte et libertaire ; place à la revendication « tous pareils ».
Dorénavant, les homos seront des hétéros comme les autres !

Le PACS pour lequel nous nous sommes tant battus avec raison apparaît aujourd’hui aux yeux des leaders de la communauté gay comme un vulgaire ersatz sans saveur comparé au goût délicieux du mariage traditionnel.
C’est cette soif de ressemblance qui me paraît infiniment étrange, totalement navrante surtout quand elle aboutit à des postures extrêmes comme cette revendication pour le droit à l’ordination sacerdotale des homosexuels.

Et je crains que cet esprit de sérieux ne soit le fossoyeur d’une véritable culture gay décalée qui a (avait ?) pourtant toute sa place dans nos sociétés.

L’exemple significatif est l’ex-Gay Pride rebaptisée « Marche des Fiertés Lesbienne, Gay, Bi et Trans » (ouf ! on n’a oublié personne).
Il s’agit désormais d’une sorte de défilé oscillant entre celui du 1er mai et l’autre du 14 Juillet avec son rituel de banderoles pseudo-contestataires, de chars publicitaires et de personnalités politiques, artistiques… qui défilent sagement en tête de cortège.

Je me souviens des premières Gay Prides, au milieu des années 80. Il y avait dans ces « happenings » cent fois moins de monde, cent fois plus de droits à revendiquer et mille fois plus de gaieté !
On baignait dans une atmosphère ludique, spontanée, totalement gaie, incroyablement heureuse.
C’était vraiment la fête, nous étions réellement fiers de défiler.

« Etre homosexuel, ce n'est pas seulement préférer les personnes de son propre sexe, affirmait Dominique Fernandez dans un article du Monde. C'est (ce devrait continuer à être) se tenir en marge de la masse de ses semblables, penser et agir différemment, apporter dans le consensus social un ferment de révolte et de discorde. »

Exactement.


PS : j'avais noté la citation de Dominique Fernandez sur un bout de papier mais j'ai été incapable de retrouver les références exactes de l'article. Tant pis.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je suppose que dans les années 70, se définir comme gay signifiait de facto se mettre en marge de la société.

La société a bien changé (le combat de ces années là n'y est pas pour rien). Il est maintenant possible d'être gay et complètement intégré à la société, dans pas mal d'endroits en tout cas.
Pour prendre mon cas personnel, je suis outé auprès de mes amis, mes parents, et même au boulot, cela ne m'a posé de gros soucis.
Le dernier coming out que j'ai fait au boulot, j'ai simplement mentionné mon copain en racontant mon week end, comme le font régulièrement mes collègues avec leur copine.

Je pense être dans un environnement relativement privilégié (à Paris, je fréquente des gens avec un bon niveau d'éducation) mais je pense que ce genre d'expérience tend à se généraliser.
Je trouve cette évolution très positive !

Pourquoi donc devrais-je me trouver obligatoirement en marge parce que je suis gay ?
Pourquoi forcer un jeune de 16 ans à devenir "marginal" s'il se découvre gay ?

Noir, gaucher, roux, femme ou gay, je ne vois pas pourquoi on devrait avoir des droits et des devoirs différents. Cette idée me choque, même.
Je ne demande pas à devenir hétéro, je demande juste à être traité comme un être humain ou un citoyen comme les autres.
En fait j'ai même du mal à comprendre les gays de l'ancienne génération qui se considèrent comme une sorte de race à part.

Vous avez aussi mal compris les revendications actuelles : on ne demande pas la suppression du PACS, de la "culture gay" quelque qu'elle soit, ou le mariage obligatoire pour tous les couples.
On demande juste des droits identiques pour une situation qui nous parait identique.
Personnellement je n'ai aucune envie de me marier (le pacs m'intéresserait plus), mais je me bat pour le mariage gay, pour la banalisation de cette différence, pour qu'un jour tous les parents des jeunes qui annonceront qu'ils sont amoureux de quelqu'un du même sexe réponde "génial !"

Koan Zen a dit…

Iréne Kauber : « Arrêtons de copier les hétéros. »

« Les gays sont comme des exilés. Soit ils se laissent assimiler, soit ils décident de bousculer les valeurs dominantes. ».

I n t e r v i e w