dimanche 6 janvier 2008

Une excellente nouvelle

Pour la première fois de son histoire, le Dakar est annulé et j’en suis absolument ravi car je déteste cette randonnée publicitaire en Afrique.



Comme le déclarait René Dumont en 1980 : « Le rallye Paris-Dakar est indécent. Je compare cela à une bande de fêtards qui organisent un banquet, mais pas chez eux, et qui entrent chez un pauvre pour ripailler sans l'inviter à partager. La vraie aventure, c'est la lutte contre la faim. C’est une course abominable et scandaleuse ».

C’est (c'était ?) en effet une fausse aventure ringarde qui fait uniquement l’éloge du 4x4, qui défie la conscience démocratique et qui me remplit de honte.
Honte de voir cette caravane agressive d’engins rutilants conduits par des crétins blancs traverser pendant plusieurs jours les pays les plus démunis d’Afrique.
Honte de voir la faune et la flore dévastées, piétinées et détruites.
Honte de voir les populations locales bafouées, écrasées, tuées pour le plaisir de quelques fous.
Honte de voir cette caravane grotesque, luxueuse et néo-colonialiste étaler sous les yeux de la population d'Afrique, l’arrogance technologique des multinationales d’un Nord méprisant.
Honte toujours devant ce gaspillage de centaines de milliers de litres d’essence, brûlés en pure perte pour la seule gloire de quelques constructeurs et de sponsors rapaces alors qu’on ne cesse de nous bassiner depuis 6 mois avec le Grenelle de l’environnement.
Ainsi, pour absorber tout le CO2 produit par ce Barnum, il aurait fallu planter 10 000 hectares d'arbres, soit la surface de la ville de Paris.

Surtout, comment admettre que l’Afrique qui s’enfonce chaque jour un peu plus dans la pauvreté, la maladie ou la guerre devienne le terrain de jeu de quelques « défoncés de la vitesse » en mal d’aventure ?
Depuis 1979, ce défilé motorisé a fait plus de 30 morts.
Chaque année, on se demandait combien faudrait-il encore de tués pour déclarer hors-la-loi cette mascarade sportive que les populations et gouvernements d’Europe refuseraient (avec raison) qu'elle se déroule sur notre continent.

Bien sûr, certains regretteront de ne plus voir Gérard Holtz l’Africain, qui, 3 jours avant le départ se laissait pousser la barbe pour faire baroudeur, qui, chaque soir, nous invitait autour d’un feu de camp à regarder les grands moments de la journée, et qui enfilait chaque matin une nouvelle djellaba assortie à son écharpe de Touareg…

Néanmoins, il suffit que je relise les propos de Luc Alphand vainqueur en 2007 (2 Africains tués cette année-là) pour que le dégoût m’envahisse à nouveau : « C'est peut-être dur ce que je vais dire, mais je prends des risques. Moi aussi, je vais à 200 kilomètres heure quelquefois dans le désert sur des routes que je ne connais pas. C'est un objectif que je m'étais fixé. Je suis vraiment heureux de gagner ce Dakar. Il y a aussi beaucoup d'accidents chez nous devant les écoles. Des chauffards, il y en a aussi. Bien sûr, on pensera à eux et à leur famille. C'est évident, mais la fête n'est pas gâchée. On s'est défoncé tous les jours à faire 800 bornes, avec les efforts que ça représente toute l'année pour s'entraîner, pour développer les voitures. Alors oui, je le dis : je suis heureux d'être là et d'avoir gagné cette course. Même s'il faut avoir une pensée pour tout ce qui s'est passé, ça ne va pas gâcher ce que je ressens, ce que j'ai accompli. »

D’ailleurs, cette annulation aura permis de mettre en évidence toute l’hypocrisie des organisateurs et des médias du service publique qui soutenaient cette manifestation. Ainsi Hubert Auriol, ancien directeur du Dakar ou Daniel Bilalian directeur des sports de France Télévision expliquaient ce week-end qu’ils déploraient la décision d'arrêter, mais comprenaient qu'elle ait été prise « si la vie des participants était en danger ». Et la vie des Africains qui se sont trouvés au mauvais endroit au mauvais moment durant ces 29 dernières années, n’a-elle pas été sciemment mise en danger ?

Certes, je regrette que ce soit la terreur qui dicte la décision d’annuler ce grand cirque. Comme d’habitude, nos sociétés sont faibles, fragiles face à ces menaces terroristes.
C’est pourquoi il faut espérer que ce coup lui sera fatal et qu’il n’y aura plus jamais de Paris ou Lisbonne ou je-ne-sais-où Dakar.

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