lundi 28 janvier 2008

Le Petit Chaperon Rouge et le Loup


Préambule : un événement, la semaine dernière, m'a remis en mémoire cette histoire que j'avais lue il y a quelques mois je ne sais trop où.
J'ai souhaité vous la raconter afin d'en tirer une morale.
Il se peut néanmoins que mon imagination ait quelque peu corrompu ce conte.




Il était une fois, dans un charmant village, une petite fille la plus jolie et charmante qu’on eût pu voir ; sa mère et sa mère-grand l’adoraient. Ainsi, lors d’un précédent Noël, elles lui avaient confectionné un petit chaperon rouge qu’elle portait si admirablement bien que partout on l’appelait le Petit Chaperon Rouge.

Un jour, sa mère, ayant cuisiné des galettes, lui dit : va voir comment se porte ta mère-grand, car on m’a dit qu’elle était malade. Prends avec toi une galette et ce petit pot de beurre que tu lui offriras.
Le Petit Chaperon Rouge partit aussitôt pour aller chez la vieille femme, qui demeurait dans un autre village.
Heureuse, libre comme l’air la petite fille gambadait dans la forêt en chantonnant une de ces vieilles chansons que sa mère lui avait apprises.
Soudain, elle s’immobilisa et elle demeura ainsi terrifiée : elle venait d'apercevoir Monsieur le Loup qui se dirigeait vers elle.
Elle resta immobile.
Le loup au sourire gourmand s'approchait, encore et encore... Mais elle ne bougeait pas... A présent, il était devant elle, il continuait d’avancer... Seuls quelques centimètres les séparaient.

Elle pouvait sentir son souffle chaud qui balayait les mèches sur son front qui s’échappaient de son chaperon. Elle le regardait, fascinée. Une sensation étrange, un sentiment inconnu courrait dans ses veines.
L’émotion, la peur faisait battre son cœur à tout rompre.
Elle était troublée.
Ce n’était déjà plus de l'angoisse, pas encore une attirance.
Un délicat frisson lui parcourut le corps, elle voulut prononcer quelques mots, mais aucun son ne sortit. Elle demeurait là, figée, comme hypnotisée par l’animal.

Le regard d’abord avide du loup maintenant s’adoucissait.
Elle crut même déceler un léger sourire se dessiner sur son visage.
La respiration de la bête se fit moins forte, elle sentit presque une certaine humanité se dégager de lui.
Lentement, il lui tendit sa patte.
Confiante, elle lui tendit sa main.

Alors, il la prit tendrement dans ses longs bras et il la conduisit dans sa tanière où, il la déposa sur une litière faite de mousse et de feuilles mortes. C’était le début d'une histoire d'amour pleine de promesses, de beaux rêves...
Bien sûr ils étaient différents. Bien sûr il n’aurait jamais dû se connaître. Bien sûr ils n’auraient jamais dû tomber amoureux et vivre ensemble. Et pourtant, pour eux, cette relation était évidente. Chaque matin, le Petit Chaperon Rouge s’émerveillait d’être allongé près de son loup, de son amant qu’elle chérissait tant. Et, lui heureux l’aimait, la protégeait, l’admirait.

Un soir, après une longue promenade, ils s’étaient baignés ensemble dans la rivière qui traversait le bois. Tandis qu’elle sortait de l’eau, nue, il lui tendit une serviette, puis la frotta pour l’aider à se sécher. Soudain, alors qu’elle se laissait caresser, totalement abandonnée dans les bras de son amant animal, il voulut lui frotter les cheveux.
Hélas, le loup, un peu maladroit, écorcha de ses longues griffes le visage de la jeune enfant.
Affolé, désespéré par son erreur, il chercha à s’excuser en la serrant encore plus fort dans ses bras et ce furent alors ses dents pointues qui percèrent la peau si douce, si blanche de sa bien-aimée.

Le Petit Chaperon Rouge sentait le sang couler le long de son visage. Elle remarquait les marques des griffures sur ses épaules. Mais surtout elle voyait le Loup, son Loup, son amour de toujours qui pleurait, pleurait, pleurait.
Comment aurait-elle pu lui en vouloir ? Bouleversée devant cette douleur qu’exprimaient les sanglots de l’animal, elle s’approcha de lui et son regard lui murmurait je te pardonne, je t’aime plus que tout au monde.

Longtemps ils restèrent ainsi allongés sur les berges. Elle le rassura par des mots doux et par de longues et tendres caresses. Elle lui offrit à nouveau son corps. Elle aimait s’accrocher à son pelage tandis qu’elle sentait cette bête entrer en elle. Et le loup poussa enfin un long râle, signe de sa jouissance. La sensation du liquide chaud qui coulait le long de ses cuisses arracha à la jeune fille un soupir de plaisir et de soulagement. Ils s’aimaient encore, ils se comprenaient, la puissance érotique de leur relation était intacte.

Ils rentrèrent chez eux et se couchèrent rapidement, épuisées par toutes ses sensations.
Pourtant, elle ne parvint pas à s’endormir. Elle repensait à cette journée, elle revoyait les dents et les griffes du loup. Elle voulait chasser de son esprit ces visions mais c’était plus fort qu’elle.
Dès qu’elle fermait les yeux, elle le voyait qui, sous l’emprise d’une colère aveugle, lui arrachait son cœur encore vivant.

Chaque jour, cette angoisse occupait un peu plus son esprit.
Elle tentait de se raisonner, de se convaincre qu’avec lui elle ne courrait aucun danger, mais à présent tel le poison qui se répand dans le sang, le venin faisait son effet, il détruisait son amour.

Un matin, elle lui demanda :
- " Loup m'aimes-tu? "
- " Oui je t'aime. "
- " Loup m'aimeras-tu toujours ? Certains soirs, quand la pleine lune fera bouillir ton sang et que la faim tiraillera tes entrailles, Loup ne redeviendras-tu pas le méchant loup du conte ? "
Il ne savait que répondre. Alors, il serra simplement la jeune fille dans ses bras. Mais il percevait qu'elle avait peur, qu’une partie de sa confiance en lui s’en était allée.
Pourtant, il avait dégelé son cœur, il avait essayé de le remplacer par un cœur d'homme.
Il avait quitté son errance solitaire pour s'établir avec elle dans les sous-bois ombragés.
Oui, il avait refusé de rester loup, mais il sentait bien, hélas, qu’il ne pourrait pas devenir entièrement homme, entrer ce nouvel état lui semblait impossible, pas maintenant, pas encore.

Un matin d’hiver, lasse d'attendre, elle se leva doucement, embrassa son loup sur les paupières puis elle se rendit à la rivière. Elle ôta son chaperon rouge, et entra dans l’eau. On ne la revit plus jamais.
Et aujourd’hui encore, dans cette forêt, on entend le loup, les soirs de pleine lune, hurler à la mort en espérant retrouver enfin sa bien-aimée.


Au cours d’une vie, personne n’est épargné par le manque de confiance en soi ou l’impossibilité de faire confiance à l’autre, car la confiance n’est ni donnée, ni acquise une fois pour toute.
Elle se construit à plusieurs par erreurs et essais réciproques.
Tu me fais confiance parce que tu m’aimes, je te fais confiance car je crois que tu me veux du bien.
C’est pour cela que le mensonge, la trahison, la parole non tenue entame la confiance. Certes, elle peut toujours se reconstruire soit par de nouvelles preuves de confiance soit par le désir d’être aimé quel qu’en soit le prix.
Mais, quand les blessures sont trop fréquentes alors les plaies restent ouvertes.
Et c'est la défiance qui s'installe.

Ainsi, que l'on soit loup ou homme, nous avons chacun notre nature, notre caractère.
Mais parfois, parce que l'on ne veut pas admettre que l'on change, parce que l'on n'ose pas assumer ses nouveaux instincts, ses nouveaux désirs parce que simplement on n’ose pas faire confiance à l’autre, on risque de tuer une relation amoureuse pourtant sincère.
On dit que l’amour véritable ne connaît ni frontière ni obstacle. C’est une erreur car c’est oublier le mensonge à l'autre, bien sûr, mais aussi (et surtout) le mensonge à soi-même.

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