mardi 18 décembre 2007

Une vie de chien


En France, comme chaque année, le mois de décembre coïncide avec l’arrivée de l’hiver.
Depuis une semaine, la nuit, à Paris, les températures descendent en dessous de zéro et le jour, elles peinent à devenir positives.
Un vent glacial souffle dans les rues, les passants, emmitouflés dans leur manteau, une écharpe nouée autour du cou, les mains gantées plongées dans leurs poches se dépêchent de rentrer chez eux après une journée de travail pour savourer une soirée au chaud agrémentée d’un bon dîner en famille.

Place Franz Liszt
, dans le 10ème arrondissement, il y a une grille sur le sol d’où s’échappe un air un peu chaud.
C’est là que vivent Jean et son chien. Ils sont étendus, blottis l’un contre l’autre sous un vilain duvet râpé. Ils sont gelés, ils attendent que le temps passe, ils espèrent en des jours meilleurs, bientôt, peut-être.

Pourquoi rester là, pourquoi ne pas se rendre dans l’un des abris mis à la disposition des sans domicile par la Ville de Paris ou d’autres Associations caritatives ?
« Le problème c’est que j’ai un chien. Et héberger une personne avec un chien c’est pas facile, on n’en veut pas dans ces endroits-là, où il y a beaucoup de monde. Mais mon chien, je l’aime, je n’ai que lui. Et en temps normal, quand il fait pas froid et qu’on est dans la rue, quand on dort dans la rue, le chien permet qu’on soit pas embarqué par la police, parce que la police ne prend pas les SDF qui ont des chiens. Ils sont obligés de faire appel à la SPA ou à un autre truc pareil. C’est très lourd, c’est très compliqué à mettre en place. Et quand ils nous prennent, ils ont les Associations pour la protection des animaux qui interviennent, qui leur tombent dessus, qui foutent un sacré bordel, ils les lâchent pas et pour les flics c’est trop compliqué à gérer. C’est pour ça qu’il y a beaucoup de SDF qui ont des chiens. »

Ainsi, en France, la "Patrie des Droits de l’Homme" (dont manifestement ne font pas partis les sans domicile fixe), c’est grâce à la pression des Associations de défense des animaux que des types errant dans la rue ne sont embarqués manu militari par les flics.

C’est dans ce pays, que le week-end dernier, des CRS ont chargé contre des SDF afin de démanteler des tentes installées en face de Notre-Dame de Paris, pour virer quelques types grelottant de froid.
Et pendant ce temps, rive droite, près des Champs-Élysées, un dictateur africain, protégé par des dizaines de policiers, paradait sous sa tente d’apparat installée dans les jardins de l’Hôtel Marigny à l'invitation du Chef de l’Etat.

Et c’est encore dans ce même pays qu’a été mis en place le 115, numéro d’urgence du SAMU social.
Mais quand on compose le numéro, la voix d’une femme, enregistrée sur une bande magnétique, répète inlassablement : « bonjour, vous êtes en relation avec le numéro 115, accueil d’urgence des sans abris. Tous les travailleurs sociaux sont actuellement en ligne. Nous vous prions de bien vouloir renouveler votre appel ultérieurement. »
Imaginez cet homme, gelé, dans une cabine téléphonique, celui là même qui était collé à son chien ; il ne va certainement pas renouveler son appel 20 fois. Il n’en aura ni la force ni la patience. Il n’aura d’ailleurs bientôt plus aucune envie si ce n’est celle de se laisser mourir, le combiné à la main.

Dans ce pays où l’on compte 2,4 millions de chômeurs, où le Président de la République s'accorde une hausse de salaire de 172%, ne pourrait-on pas embaucher des stagiaires ou des CDD, ne pourrait-on pas trouver des moyens pour qu’on puisse au moins répondre systématiquement au clochard qui appelle le 115, avant qu’il ne crève seul, dans une cabine téléphonique ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bravo pour ton article , je pense sans arrêt à ces pauvres gens qui sont dehors et qui meurent de froid et de faim . Et pourquoi n'auraient ils pas droit à un compagnon fidèle et aimant tel qu'un chien?
je me demandais si je pourrais prendre une partie de l'article pour mon blog ?